Les bancs à l'église

Jadis, certains signes annonçaient la richesse : le capot de poil, la race chevaline ou bovine, la grosseur du monument funéraire, les bijoux, la maison appelée plutôt demeure ou résidence. La hauteur du tas de fumier laissait entrevoir l’importance du cheptel. N’oublions pas ceux et celles qui se faisaient un devoir d’arriver à la messe presque en retard, se pavanant par l’allée principale.Pour mesurer l’importance de quelqu’un, son influence, son rôle social, on peut en partie se fier à l’emplacement de son banc à l’église. Dans le temps des fêtes, il y avait toujours la traditionnelle réunion d’adjudication des bancs, où la Fabrique louait pour un temps déterminé un ou des bancs précis et réservés à ladite famille. On allait même jusqu’à inscrire son nom sur le côté du banc.

À Beauceville, le banc seigneurial des Chaussegros de Léry était le banc no 1, situé dans la nef, rangée du mur, côté de l’Épître. Par droit coutumier, la famille seigneuriale a le privilège de se faire inhumer sous leur banc : de 1804 à 1936, vingt-deux de Léry y seront ensevelis.

On apprend aussi que dans l’église de Saint-François-de-Beauce, soit celle de 1803 à 1857, Prisque Doyon a le banc no 1, côté de l’Épître, allée et rangée du milieu. Quant à Jean Doyon, il occupe le banc no 1, côté de l’Évangile, allée et rangée du milieu. Cette famille Doyon est sans doute celle de la lignée de Prisque Doyon à Alexis à Prisque à Jean à Antoine à Jean. En 1985, il semble que Josaphat Doyon possède le banc no 57.

En 1892, les archives paroissiales de Saint-François-de-Beauce notent :

- Dans la nef, les bancs se vendent au capital, à rente annuelle de 50 cennes, payable à la fin de l’année. À la criée à un minimum de 50$ pour les bancs en dedans des colonnes et de 25$ pour les autres.

- Au jubée, aux galeries, aux places des colonnes de la nef, une rente annuelle payable d’avance en deux termes, le dimanche qui suit le 15 janvier et le 15 juillet. À la criée à un minimum d’ une piastre, soit 3$ par banc de 3 places.

En 1985, il était encore possible d’apercevoir l’identification de certains bancs : Dufort Mathieu (16), Eddy Fortin (31), Cécile Bernard (56), Irenée Busque (100), Gualbert Quiron (124), Fernand Rodrigue (127), Napoléon Poulin (146), Gédéon Mathieu (197), Charlemagne Boucher (247), Mlle Catherine Veilleux (254).

Dans Le chemin des dames, Madeleine Ferron n’écrit-elle pas :

« Rien ne lui paraissait plus ridicule, plus trompeur que cette habitude qu’avaient les gens d’évaluer la réussite d’une vie sur ses apparences somptuaires, par la quantité des richesses accumulées.

(…) il est absolument nécessaire de converser avec des personnes intelligentes ou simplement agréables à regarder, de recueillir des réflexions sensées, des méchancetés aussi, des mensonges pour comprendre que les êtres existent ailleurs que dans les livres.»

André Garant