Complainte anonyme

Rappel de la période des voyageurs, des coureurs de bois, de la 1re guerre mondiale ou tout simplement une chansonnette populaire larmoyante…ou poème?Notes manuscrites retrouvées éparses à travers la paperasse d’un curé de Beauceville (1886-1892), Benjamin Demers (1848-1919), qui ne l’a pas écrite de sa main, donc document peut-être postérieur à sa cure:

Je suis un voyageur partant pour un service

Avec regret de quitter mon pays,

Fondant en pleurs pour ma chère maîtresse.

Dès son enfance je l’avais protégée

Mais à la fin, j’adressai ma prière à mes amis.

Je fis mes derniers vœux

Car si je meurs sur une terre étrangère

Je vous supplie, portez-lui mes adieux.

Adieu je pars.

Mais il faut que je parte bien loin de toi

Je n’ai plus le bonheur

Je t’ai chérie dès ma plus tendre enfance

Mais aujourd’hui

Tu fais couler mes pleurs

Ô doux époux que pleurs sont extrêmes

Procure-moi le bonheur et l’espoir.

Petit oiseau, portez-moi sur vos ailes

J’aurai encore l’espoir de t’y apercevoir.

Disant ces mots dans mes bras

Je la presse en arrosant son cou de mes pleurs.

Je vais partir car le bruit de la messe

Vient annoncer l’heure de mon départ.

On vit toujours toujours

En espérant de s’y revoir toujours victorieux.

Dieu m’a toujours préservé l’innocence

En t’embrassant je t’y fais mes adieux.

Avec regret, je vais quitter mon village.

Je vais m’arrêter sur le bord d’un ruisseau,

En soupirant, en versant quelques larmes,

En regardant le clocher du hameau.

C’est ici que le sort nous sépare.

Bien loin de toi, je n’ai plus de bonheur.

Disant ces mots, je me mis en voyage.

Adieu le lieu de mon berceau.

Je suis un voyageur partant pour un service

Avec regret de quitter mon pays.

André Garant

Source :

Archives de la paroisse Saint-François d’Assise de Beauce, Beauceville.

À une certaine époque, la cueillette de chansons se fit grâce à la persévérance, entre autres, des ethnologues beaucerons Marius Barbeau (1883-1969), Luc Lacourcière (1910-1989) et Madeleine Doyon (1912-1978).

Né en 1939 à Saint-Joseph-de-Beauce, Marc Gagné parcourut systématiquement la Beauce québécoise pour y recueillir, sur bande magnétique, les principaux témoignages du folklore musical qui y étaient encore vivants (1970-78). Plus de 2800 pièces, surtout des chansons, ont ainsi été déposées aux Archives de folklore de l'Université Laval…