Yvan Cliche, champion nageur

Charles-Edouard Cliche inaugure son bureau de médecin à Beauceville le 15 janvier 1940. Sportif et père de sept enfants, le Dr Cliche entend bien montrer à nager à sa marmaille. Les étés passés au chalet familial du Lac Fortin de Saint-Victor-de-Beauce lui en offrent l’occasion. Né à Beauceville le 23 juillet 1940, l’aîné Yvan fréquente la colonie de vacances estivale du Lac aux Trois-Saumons; il y deviendra même instructeur de la Croix Rouge. À ce camp d’été, il se souvient de pauses de repos où il préférait plutôt nager cinq milles. Comme un poisson dans l’eau …

Âgé de 15 ans, il admire son héros, le nageur Jacques Amyot de Ste-Foy ; le 23 juillet 1955, en 11 heures 32 minutes et 10 secondes, Amyot sera le seul de sept participants à franchir les 26 km de la 1re traversée du Lac St-Jean. L’adolescent de Beauceville est stimulé par cet exploit ! Recherche d’un idéal.

Plus fatigant pour les bras et les cuisses, moins rapide que le crawl, la brasse devient sa spécialité. Passent les années. Yvan recréera d’abord ces nages de longue distance à proximité de son patelin. Toutefois, en 1959, n’a-t-il pas vaincu le détroit de Northumberland entre le Nouveau-Brunswick et l’Île du Prince-Edouard ?

Aussi, le jour de sa fête, le 23 juillet 1961, il parcourt les 18 milles du Lac Fortin en 13 heures. Le 19 août 1961, gonflé à bloc, il battra le vieux record datant de 1899 de la traversée du grand Lac St-François de Lambton sur 22. 8 milles …de 4 heures du matin à 23 heures. Dépassement de soi.

Toujours à la brasse, il relève de plus le défi du fleuve St-Laurent, entre Neuville et Québec. Aussi, le 21 juin 1962, de 10 heures 30 à 17 heures 55 minutes, avec un vent de cinq nœuds et une eau à 68 degrés F., il relie Québec à Sainte-Anne-de-Beaupré, malgré la crainte d’un changement de marée ; Jacques Amyot lui tient compagnie à la nage sur les quatre derniers milles. Yvan renforcit ses forces physiques … et psychologiques.

En 1962, il débute des cours de droit à l’Université Laval; sous la supervision du Québécois Benoit Drouin il s’entraîne, entre autres, au Quebec Winter Club avec son idole de jeunesse, Jacques Amyot. Il mesure alors 5 pieds et huit pouces et pèse 170 livres.

Le 22 juillet 1962, il affronte les eaux froides et les courants de la Mistassini et de l’Aschouapmouchouan. En solo, il traverse ainsi les 22 milles de cette véritable mer intérieure du Lac St-Jean. Cette année-là, le Hollandais Herman Willemse remporte les 30 km de la 8e traversée officielle en 9 heures et 3 minutes …3e position pour Régent Lacoursière et 7e rang pour Jacques Amyot. Après deux tentatives, de 8 heures 30 à 23 heures 39 minutes (au crawl, il faut fournir 5 heures d’effort en moins), Yvan Cliche sera le premier à traverser le Lac St-Jean à la brasse de Roberval à Péribonka …tel qu’attesté par le juge Germain Savard de Péribonka, de son concitoyen J.J.Boivin, de Reynald Lalancette d’Alma et de son frère Louis Cliche. Pour l’alpiniste, les plus hauts sommets doivent être vaincus; Yvan Cliche nage, nage et nage …On suit de plus en plus la carrière de nageur d’Yvan Cliche.Yvan Cliche a alors prouvé appartenir à l ‘élite mondiale de la nage de longue distance !

Sur la rue Laurier, à la piscine des Employés Civils de Québec, il étirera une longue nage intérieure de 20 milles de distance pendant toute une nuit. En 1963, il réoriente ses études en France au niveau de la psychologie. Le vendredi matin 30 août 1963, à 4 heures 11 minutes (16.5 degrés de l’eau), au Cap Gris-Nez du Pas-de-Calais en France, il affrontera rien de moins que les 21 milles de la Manche. Cette traversée, popularisée plus tôt par le Daily Times, a cessé ses activités. Malgré tout, le défi est toujours là pour le Beaucevillois. Dans l’eau, il se nourrit de bouillon chaud, de jaunes d’œufs dans du lait chaud, un peu de blanc de poulet chaud, d’oranges et de lait condensé. Le convoyeur Thoric est au commande du réputé Tom Pepper. À l’occasion, on lui fait entendre de la musique classique. La mer est déchaînée et les vagues l’immergent ... Yvan veut réussir ! Il a même vaincu les South Goodwins de la Manche, où se rencontrent de mauvais courants.

R. Houtte, le chronométreur officiel de la Channel Swimming Association donne ordre de le hisser à bord à 18 heures 31 minutes … après 14 heures et 20 minutes de lutte acharnée,si prêt du but, à environ 1 mille des côtes de Douvres en Angleterre. Un nageur américain et un Allemand déclarent forfait avant le départ ; au même point qu’Yvan, un nageur belge ne finira pas son périple lui non plus. Houtte déclare :

« Personnellement, je crois qu’il a moralement réussi cette traversée. Yvan n’a pas abandonné ; c’est moi qui ai donné l’ordre de le hisser à bord contre son gré, car c’était une question de vie ou de mort pour lui-même et pour les passagers du bateau et j’estime que je n’avais pas le droit de le laisser continuer ce magnifique exploit au milieu d’une mer déchaînée et qui ne nous aurait pas permis de hisser le nageur à bord, en cas de défaillance. Yvan Cliche a fait montre d’un courage, d’une volonté et d’une ténacité exceptionnelle et je suis persuadé que, dans de bonnes conditions atmosphériques, il traversera la Manche et touchera le sol anglais ».

La tempête et les eaux troubles bouleversent la vie d’Yvan Cliche. En effet, le 8 décembre 1961, sa mère, la Trifluvienne Mariette Dupuis et sa fille Mariette Cliche âgée de 14 ans décèdent sur la route. Le 7 janvier 1965, son père Charles-Edouard Cliche, âgé de 52 ans, sa 2e épouse Georgette Dion de 46 ans (veuve en 1953 du Dr Jean-Marie Lévesque … décédé accidentellement) et sa belle-sœur Mme Wilfrid Cliche dite Imelda Poirier périssent en Beauce dans le même accident. Ces événements marquants auront sans doute une signification motivante dans l’odyssée aquatique d’Yvan.

Déterminé, Yvan Cliche, étudiant-finissant de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Tours, en collaboration du Service de la Médecine Sportive, se penche sur une étude portant sur la relation effort-fatigue. Qu’à cela ne tienne, après trois semaines d’entraînement intensif sous la supervision d’Yvan, le 31 août 1967, avec une équipe de seize étudiants (es), il franchira enfin la Manche à relais en 17 heures. Partis à 13 heures 30, il leur fallut toute une nuit d’efforts pour franchir les cinq derniers kilomètres, car « les courants étaient particulièrement violents, la mer agitée, avec des creux de deux à trois mètres ». Paris-Match, Radio Télé-Luxembourg, les journaux français le Figaro et le Monde patronnent l’événement. Dix-sept dossiers de cinquante pages chacun. Belle et pratique leçon de vie ! Encore aujourd’hui, le Beauceron Yvan Cliche n’est pas peu fier de cette performance de groupe. La vie prend tout son sens.

André Garant

Source :

Beauceville, 1re Ville en Beauce, 1904-2004 (Les sports et loisirs, A. Garant)

GÉNÉALOGIE

Nicolas Cliche / Saint-Jean, Noyon, Île-de-France / Catherine Poëte

Nicolas Cliche / 13-10-1675, Sainte-Anne-de-Beaupré / M.-Madeleine Pelletier

Vincent Cliche / 09-09-1711, Charlesbourg / M.-Anne Choret

Jean Cliche / 21-02-1746, Charlesbourg / Jeanne Verret

Jean-Baptiste Cliche / 22-10-1793, Saint-Joseph-de-Beauce / Marie Lagueux

Louis Cliche / 20-01-1835, Saint-Joseph-de-Beauce / Sophie Carette

Jean-Baptiste Cliche / 07-02-1875, Saint-Joseph-de-Beauce / Marie Groleau

Joseph Cliche / 24-10-1899, Saint-Joseph-de-Beauce / Valéda Poulin

Charles-Edouard-Cliche / 23-06-1939, Ottawa / Mariette Dupuis

Charles-Edouard Cliche / 18-01-1964, Sts-Martyrs-Canadiens, Québec / Georgette Dion

Yvan Cliche (23-07-1940-)