Seigneuries et cantons 1737

Référence: (Carte de Honorius Provost,

prêtre-historien)

Suite au Traité d’Utrecht, la Paix de 30 ans s’installe de 1713 à 1744. Comme la Nouvelle-Angleterre vise à étirer ses frontières jusqu’au Saint-Laurent, les autorités de la Nouvelle-France décident d’installer une colonisation-tampon vers le sud de Québec, longeant la rivière Chaudière. La Nouvelle-Beauce naît officiellement le 30 avril 1737.

Le toponyme de Beauce rappelle la plaine agricole française du même nom; la Beauce d’ici est, quant à elle, une vallée. En 1775, souvenir du passage de Benedict Arnold qui attaquera Québec via la Chaudière…et, par crainte d’une réattaque américaine, le petit blockhaus levé en 1778 à Saint-François-de-Beauce.

En Beauce, les premières seigneuries (rectangulaires) sont une affaire de famille. Le 23 septembre 1737, le véritable promoteur régional, Joseph Fleury de la Gorgendière (1676-1755), marchand de Québec, agent de la Compagnie des Indes ocidentales et gendre de l’explorateur Louis Jolliet, se voit concéder la seigneurie de la Gorgendière dite de Saint-Joseph. Ses deux gendres auront les lotissements voisins.

En effet, Thomas-Jacques Taschereau (1680-1749) possède celle de Sainte-Marie et François-Pierre Rigaud-Vaudreuil (1703-1779), celle de Saint-François-de-Beauce. En 1737, Rigaud-Vaudreuil et son beau-père ont échangé leurs concessions, officialisé en 1747. D’après une rumeur, Rigaud-Vaudreuil aurait perdu la concession joseloise, la plus belle des trois premières seigneuries de la Beauce, lors d’une beuverie dans une taverne du Vieux Québec dite du Chien d’or…Je suis un chien qui ronge lo / En le rongeant je prend mon repos / Un tems viendra qui nest pas venu / Que je morderay qui maura mordu.

Trois seigneuries de trois lieues de front sur deux de profondeur, soit 15 kilomètres de chaque côté de la Chaudière. Les toponymes parlent. À la même époque, on aura eu le temps de créer les seigneuries de Saint-Étienne (1737), prédédées de celle de Jolliet (1697), et Lauzon en 1636, au nord de Sainte-Marie.

Le 24 septembre 1737, veuve la seigneuresse Thérèse de Lalande Gayon (1691-1738) reçoit le territoire de la rive ouest de la Chaudière, à la hauteur de Saint-Georges. Son mari, François Aubert de la Chesnaye, n’a jamais été seigneur. L’est sera l’affaire de Nicolas-Gabriel Aubin de l’Isle (1698-1747). En 1807 arrive Jean Georges Pozer, (1752-1848) véritable promoteur georgien.

Le peuplement se fait très lentement. Les premiers habitants originent de la Côte de Beaupré, de l’Île d’Orléans et de la seigneurie de Lauzon. Les liens de parenté sont tricottés serrés. Les Poulin, Bolduc, Létourneau, Doyon, Roy, Vachon, Grondin, Cloutier, Lessard, Jacques…Au 1er recensement nominal de 1762, on dénombre 730 habitants. Le régime seigneurial (aboli en partie en 1854, complété en 1935) oblige les censitaires et les seigneurs à des droits et devoirs réciproques : droits de quinte, lods et ventes, droit de retrait, rente foncière, droits de banalité…

Ces huit seigneuries épousent l’allure d’un ruban de 12 milles de largeur et de 60 milles de longueur. Comme la vallée du Saint-Laurent est pleine, et que les loyalistes arrivent en Estrie, l’Acte constitutionnel de 1791 réorganise le territoire, avoisinant les seigneuries : des townships dits cantons, avec la tenure en franc et commun socage.

Carrés, les cantons avaient une superficie de 10 milles carrés (16 km carrés)…et si le long d’un cours d’eau navigable, ils avaient alors 9 par 12 milles. En général, un lot mesure 200 acres. 1/7 du canton est réservé à la Couronne, un autre 1/7 au clergé protestant. Les rangs font leur apparition. Après avoir demandé un lot par pétition au gouverneur, les lettres patentes s’obtenaient en défrichant au moins 4 acres avec cabane dessus. Naturellement, des servitudes minières et forestières sont encore d’usage. Les seuls frais du nouveau propriétaire d’un lot est celui des lettres patentes et de son enregistrement. Dans une seigneurie, l’habitant dit censitaire est un locataire.

Jouxtant la Nouvelle-Beauce, on créa, dans Dorchester, les cantons de Frampton 1806, Cranbourne 1834, Watford 1864 et Metgermette 1885. Broughton 1800 dans Mégantic. Tring 1804, Forsyth 1849, Shenley 1810, Dorset 1799, Gayhurst 1868 à l’ouest de la Chaudière et à l’est; Jersey 1829, Marlow 1850, Risborough 1896, Spalding et Ditchfield. Linière 1852 à l’est de la rivière du Loup.

« Je promets et déclare que je maintiendrai et défendrai de toutes mes forces l’autorité du roi en son parlement comme législature suprême de cette province », déclare le propriétaire d’une concession dans un canton.

Pierre de Rigaud de Cavagnal exploitaient ici un poste de traite de fourrures. Vers 1797, environ vingt-cinq terres ont été distribuées aux concessionnaires du Seigneur de Rigaud, parmi lesquels le Colonel William Fortune et son fils Joseph. Ce dernier, arpenteur de métier, est responsable de l'arpentage de nombreuses terres de Pointe-Fortune et des environs.

Le territoire de Pointe-Fortune, délimité à l'ouest par la frontière provinciale Québec-Ontario, à l'est par le lot 29 de la Baie de Rigaud, au sud par les terres du rang St-Thomas de Rigaud et au nord par la rivière des Outaouais, a officiellement été érigé en municipalité il y a 125 ans, le 24 août 1880. Le village s'étend sur 9.09 kilomètres carrés et se divise en trois secteurs : le noyau villageois à l'ouest, le secteur du Bois-Dansant vers le centre et la banlieue-est aux limites de Rigaud. Sis aux pieds du barrage électrique de Carillon , construit au début des années soixante, et contourné par l' autoroute 40, notre petit village a gardé son caractère champêtre et continue de développer sa vocation récréo-touristique.

Jadis habitée ou visitée par les Amérindiens, les coureurs des bois, les pêcheurs, draveurs, cageux, constructeurs de barrages, vacanciers et agriculteurs, le village de Pointe-Fortune en ce début du 21e siècle est une paisible municipalité où il fait bon vivre et où on priorise la conservation de la nature, la protection de l'environnement, le développement durable et l'accueil aux nouveaux résidents et aux nombreux pêcheurs et visiteurs.

André Garant

Source :

La Beauce et les Beaucerons, portraits d’une région 1737-1987, F. Bélanger, S. Berberi, J.R. Breton, D. Carrier, R. Lessard, 1990

Sainte-Marie de la Nouvelle-Beauce, Honorius Provost, 1970