Noël au temps d'autrefois

«Le Vieux Léo raconte ses souvenirs des Noël d'antan,

alors que sa Simone, non sans humour, y ajoute ses commentaires.»

Noël au temps d'autrefois

Né à Beauceville le 21 avril 1927, Lionel A. Veilleux est le fils de Cléophas Veilleux à Philéas (1888-1975) et de Laura Grondin à Thomas (1896-1977). À Beauceville, le 23 juin 1949, Lionel épouse Simone Poulin, née le 10 mai 1927 à Beauceville, une fille de Donat Poulin à Louis (1902-1950) et de Emma Poulin à Augustin (1900-1953).

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Nostalgie des Noël d'antan, ceux d'une époque où rien n'allait bien vite, un temps où la consommation servait à satisfaire les besoins de base, où être ensemble était plus important que le montant du cadeau offert. Dans l'imaginaire collectif, ces Noël anciens sont chaleureux et réconfortants pour l'âme, empreints de tendresse et de joie. Pour le simple plaisir, Le Soleil vous offre les souvenirs du «Vieux Léo» et de sa Simone.

«Bonjour, vous êtes chez un Beauceron, un vrai jarret noir!» s'exclame Lionel Veilleux en ouvrant la porte de sa maison de Sainte-Foy en cette journée de mi-décembre. Deux ou trois marches à monter, et nous voici dans la cuisine du bungalow où se trouve déjà son épouse Simone, née Poulin. Une Beauceronne elle aussi, bien sûr!

Dans cette maison, rien de compliqué. Me voilà accueillie comme une connaissance, bien que le couple ne me connaisse ni d'Ève ni d'Adam. La référence d'un voisin a suffi pour installer la confiance.

Le «Vieux Léo», c'est le nom de plume que s'est donné Lionel Veilleux dans les cahiers souvenirs qu'il écrit pour ses enfants et ses petits-enfants. Des histoires toutes simples, drôles ou graves, qui perpétueront une époque révolue. Il veut bien en partager quelques pages, comme ça, pour le bonheur de jaser.

Mais d'abord, un petit portrait. L'homme et la femme cumulent 170 ans qu'ils se partagent à parts égales. Après 63 ans de mariage, le galant glisse encore des compliments bien tournés à sa belle, la fait rire. Visiblement, elle connaît son homme!

Dans le couple, c'est lui qui jase. Simone est plus réservée, précise parfois une idée, ajoute un commentaire. Mais qu'on se le tienne pour dit, même s'ils habitent Québec depuis 1966, Lionel a la Beauce tatouée sur le coeur, et c'est naturellement vers Beauceville, berceau de leur jeunesse à tous les deux, que son regard se tourne.

L'ancien professeur au primaire, une rareté pour un homme laïc à l'époque, a aussi été directeur d'école, puis l'un des derniers inspecteurs scolaires; en 1964, il est allé travailler avec «les intelligences», c'est-à-dire au tout nouveau ministère de l'Éducation.

Simone, qui ne manque pas non plus d'humour, est «de la génération des mères intérieures» et a pris soin de quatre enfants. Avant son mariage, elle était opératrice de téléphone. Elle va chercher une photo parue récemment dans Le Soleil où l'on voit des femmes assises côte à côte, avec des écouteurs sur les oreilles et une tonne de fiches devant elles. Ce n'est pas elle, mais c'est tout comme. Et les soirs de Noël ou du jour de l'An, elle faisait suivre les bons voeux des villageois aux parents et amis qui vivaient au loin, se souvient-elle.

Les fêtes en famille

À l'époque, Noël se vit à Noël. Pas un mois d'avance. Chez Lionel, le père allait couper le sapin en forêt dans la journée du 24. L'arbre était décoré au salon par les parents dans le plus grand des secrets, et les six enfants n'avaient le droit de le voir qu'au retour de la messe de minuit.

La messe de minuit... Moment fort de la célébration. À partir de sept ans, les enfants y assistaient. Souvenir des joues qui piquent au froid, puisque la famille du garçon qui habite «dans les rangs» marche un mille et demi pour se rendre à l'église et autant pour en revenir. Une seule fois, le voyage s'est fait en carriole, parce que sa mère était «en famille». Il ne fallait pas que les voisins le sachent, on est au temps où les femmes portent des corsets pour cacher ce ventre rond.

Les Veilleux savaient faire bombance. Après la messe, qui durait facilement deux heures, on se mettait à table sur laquelle trônait la tête du cochon qui avait été tué le 8 décembre. «C'était gras sans bon sens...», remarque Simone qui a goûté à la tradition familiale.

Noël se vit au sein de la famille proche. Les parents, de classe moyenne - le papa travaille pour les chemins de fer -, ont les moyens d'offrir quelques cadeaux. Il y a le traditionnel bas avec une orange, une pomme, et des «bonbons français», mais aussi des poupées pour les filles, un jeu mécanique pour les garçons. Au jour de l'An, d'autres cadeaux s'ajouteront, des vêtements tricotés ou cousus par la maman.

Le père profite de l'occasion pour boire un p'tit verre ou deux de Saint-Pierre, cet alcool de contrebande venu de Saint-Pierre-et-Miquelon pendant les années de prohibition.

Hstoires mémorables

Une histoire reste célèbre dans la famille Veilleux. Yvette, une des soeurs, a voulu savoir si le père Noël existait vraiment. En douce, elle a désobéi aux consignes et est sortie de son lit pendant la soirée. Et dans le noir, elle a senti un coup sur sa joue et est tombée à la renverse. Par la suite, elle a toujours prétendu avoir été punie, même si tous les autres ont toujours cru au cauchemar...

Dans son sac à souvenirs, Lionel a aussi rangé les 11 années où, devenu adulte, il faisait le père Noël pour le grand magasin général du village. Le 24 décembre, les cadeaux achetés par les parents étaient rangés à bord d'un grand traîneau tiré par un cheval. Le gros bonhomme rouge allait les livrer à chaque domicile, quelle que soit la température. Même l'embâcle du 21 décembre 1957 ne l'a pas empêché de faire son travail. Encore une fois, Simone fouille dans ses photos : dans le paysage d'une totale désolation, les sapins décorés, les immenses couronnes jettent une touche de fausse gaité. Les Fêtes ont certainement été amères cette année-là...

C'est au jour de l'An que le jeune Lionel voyait ses oncles et tantes, cousins et cousines. Oubliez les petites bouchées sophistiquées: ragoût le midi chez un oncle ou une tante, ragoût le soir dans sa propre maison envahie par une trentaine de personnes. Les occasions de fêter se répéteront comme ça jusqu'au Mardi gras.

L'après-midi s'écoule, les souvenirs s'enchaînent, on s'écarte du temps des Fêtes, il est temps pour moi de partir. Au salon, l'arbre est décoré en prévision des visites à venir, enfants, petits-enfants se pointeront dans les prochains jours. Il n'y aura pas de tête de cochon sur la table, mais les retrouvailles restent au coeur de ce moment. Après tout, c'est encore ce qui fait les plus beaux Noël...

Sources :

Le Soleil, Claudette Samson, 24 décembre 2012

Courte généalogie en introduction, André Garant