Les chicanes Beauceville Saint-Georges

Traditionnellement, en Beauce et ailleurs, les cours d’eau séparant les deux rives engendrent des clans adversaires. Pourquoi? Les rives Est et Ouest, Nord et Sud se jalousent et se crêpent le chignon. Pourquoi? On ne le sait pas toujours et on prête souvent des intentions non fondées à l’ennemi! En enfance, mon père est plus fort que le tien! Chicanes de clôtures, obstinages de bornes.

Aussi, le territoire religieux est séparé en paroisses où l’on vit à l’ombre du clocher. En effet, on compte environ dix milles entre les lieux de culte. Depuis 1737, les Beaucerons ont quadrillé leur région en près de cinquante localités. Ainsi, l’esprit de clocher attise les envieux. Chauvinisme? Y aurait-il lieu d’aimer les siens sans détester ses voisins? Nourrit-on un presque racisme?

Vers 1900, des fidèles de la rive Est de Saint-Georges et de la rive opposée se battent aux brocks à foin, car on aurait voulu bâtir l’église de l’autre côté de la Chaudière. En 1948, à la division des deux villes, un étranger, tel un résident de l’Est, paie son permis d’exploitation commerciale50%plus cher que celui de Saint-Georges-Ouest. Frères ennemis!

Un clin d’œil historique replace quelque peu les causes de ce babounage entre localités voisines. Le gros mange-t-il le petit? Faut-il remonter vers 1890 où Saint-François-de-Beauce est surnommé Tarragoneville? Paraît-il que le vin coulait à flot à Saint-François et cela faisait des envieux à Saint-Georges, tempérance oblige…n’était-ce pas plutôt les blinds pigs ou les tripots georgiens clandestins qui pullulaient ? Jadis, le curé de Saint-Georges se plaint que ses ouailles vont se saouler à Beauceville. Il vocifère au curé Lambert de Beauceville de fermer sa soue…et se fait répondre de garder ses cochons!

De plus, de 1886 à 1907, comme le terminus ferroviaire stoppait à Saint-François, les rivalités entre Saint-Georges et Beauceville s’aiguisent. De 1875 à 1930, Beauceville ne portait-il pas le titre envié de métropole de la Beauce? Il fut un temps où les expositions agricoles se tenaient ici et là sur le territoire. L’orgueil des cultivateurs était mis à chaud. Un simple rappel des courses de chevaux inter paroissiales suffit à faire rougir des Beaucevillois et des Georgiens.

Prêcher pour sa patrie peut avoir du bon, mais tomber dans l’excès prend des airs de maladie… À l’adolescence, est-ce une tare, un péché, de fréquenter son amoureux, son amoureuse à Saint-Georges si on est de Beauceville, ou vice versa? Ces chamaillages sont attisés parfois par des individus qui ont intérêt à diviser les clans pour régner. Au hockey de la Ligue de Beauce, la rivalité entre le P.-H. Bernard et le Manoir Chaudière est amplifiée par la radio CKRB qui devient, pour des Beaucevillois, le poste de radio cequilgriche.

Au fil du temps, le clan tricoté serré des jarrets noirs beaucerons se serait-il scindé en parties qui s’entredévorent. Dans de sombres recoins du cœur, ces chicanes couvent-elles encore et toujours? Les villages font-ils la risée des villes de la Beauce? Pure incompréhension du mur toujours à l’ombre.

Depuis plus de 40 ans, la régionalisation scolaire amène les jeunes à se côtoyer régulièrement. Cette mentalité de chiqueux de guenille serait-elle l’affaire de la génération d’avant les années 1950? Autre temps, autres mœurs, aujourd’hui, les fusions, les regroupements municipaux s’orientent sur la complémentarité des services de la communauté. Naturellement, il y aura toujours la risée des 514 et des 450 en région montréalaise…les 228 s’enorgueillissent de ne pas être des 774…

La Fontaine n'a-t-il pas écrit que la grenouille se pensait plus grosse que le bœuf? Mentalité d’orgueilleux voisins gonflables? Il vaut mieux en rire, c’est meilleur pour la santé.

Folklore beauceron.

André Garant